" C'est un des hivers les plus rigoureux que nous connaissions. Il débuta le 6 janvier 1708~1709 jour des rois par un froid des plus intenses, une abondante chute de neige, et consécutivement une couche de glace sur le Tarn qu'on évalue à 6 pieds d'épaisseur au point que les charrettes traversaient la rivière sans courir aucun danger. Le dégel eut lieu le 21 et s'accusa par des craquements épouvantables. Les glaçons avaient une telle force qu'ils entraînaient les moulins à foulon. A Brens la chaussée fut emportée et la tour du château endommagée. Les amoncellements de glace furent tellement grands que le Tarn remonta jusqu'au quai de Gaillac.
Cet hiver fur rigoureux au point que les vignes, les arbres fruitiers, les noyers furent gelés jusqu'à la racine. Les blés un moment protégés par l'épaisse couche de neige furent gelés à leur tour par un retour du froid; ils repoussèrent une seconde fois pour périr à encore. Les pluies abondantes qui suivirent favorisèrent une belle germination qui fut détruite par le vent d'autan. Durant plusieurs années on ne vit plus de fruits d'aucune sorte surtout les pommes, les châtaignes et les glands. Si grande était la disette que les gens mourraient de faim. Tant de ruines accumulées avaient été impuissantes à calmer les exigences des représentants du roi. A Lexos les impôts contraignirent des familles entières à quitter le pays. A Monestiès noble Antoine de Méjanès fit abandon de sa métairie. A Virac, St-Sernin, à Labastide-Gabausse, un tiers des propriétés étaient dues au seigneur. Les sommes étaient si fortes que de nombreuses familles abandonnèrent la commune. A Moularès, à Rhonel, on ne comptait que des pauvres; le consul fut réduit à demander l'aumône à Albi. Taïx, St-Julien, Saussenac, Sérénac ne payent qu'à force de garnison. A Valdéries toute la communauté était à ce point appauvrie que personne ne voulait du chapeau consulaire. A salles, la moitié de la commune était inculte. La Parrochial en 1711 avait fait un acte d'abandon général. En 1730, il y avait dans le diocèse d'Albi 25.000 setérées de biens abandonnés ou incultes. Les conséquences de cet hiver ont duré plus d'un demi-siècle. "
D'après l’œuvre du Docteur Louis Calmels "Monestiès Combefa" 1932 Rodez
1709, une bien mauvaise année
Le texte qui suit aurait très bien pu être écrit par le curé d’Almayrac, car les mêmes conditions furent réunies tant à Trucy-l’Orgueilleux qu’à Almayrac, durant ce terrible hiver de 1708-1709. Il s’ensuivit plusieurs années de misère qui fit que la communauté de Lestivinié disparue.
Texte du curé de Trucy-l'Orgueilleux, près de Clamecy (Nièvre), transcrit par Henriette Georgina Marguet (orthographe strictement respectée).
" Jamais peut etre on a vu une annee comme celle cy. on peut dire que tous les flots de Dieu ont concouru ensemble, la guerre, la peste et la famine.
En 1708 le beau blé froment ne valoit que trente sols et l'orge nuict sols, dix sols au plus cher, et en cette année il a valu dix livres et le froment vingta cause du froid qui se prit le jour des rois par un grand vent et un peu de neige et de pluie froide qui vint a geler gaterent tout le blé en sorte qu'il n'en reste pas pour semer, on fut obligé de semer de vieux blé, pour de l'orge comme on en fit partout ou il y avoit eu des blés dont les jardins et les chenevieres on en eu en abondance il valut nontmoins toujours jusqu'à sept a huit livres.
parceque tous presque ne mangeoient que de l'orge, point de vin qui valut jusqu'à cent francs le muid, on faisoit de la boisson avec du genievre et de l'orge. point de fruits les pommiers et poiriers des jardins presque tous morts, comme aussy les bons pruniers, tous les poiriers peschers et abricotiers sans en rester un seul, il n'y avoit que la viande a bon marché que les pauvres gens mangeoient sans pain, jusqu’ à de la chair de cheval et celle des animaux morts, la pluspart ne vivoient que d'herbes des champs sans saler, meme les chardons, du pain de chenevé qui leur causait des dissenteries, il y en eut qui firent du pain de racine de fougere, il y eut des endroits ou il ne reste presque plus personne, on trouvait quantité de gens morts de faim par les chemins, les oiseaux se mangeoient l'un l'autre, cependant il falloit parer les tailles, . . . . neilles, et capitations plustot que d'acheter du pain, vendre a bon marché tout ce qu'on avoit jusqu'a ses habits linges et outils a travailler, les hommes et femmes paroissoint comme des phantomes qu’on auroit fait tomber d'un petit souffle qui auroit volontiers pardonné leurs morts, bref ie ne croit ps qu'il se voie dans les histoires rien de semblable car dieu est irrité contre la France, car ie ne croit pas quil en soit de meme parmy les autres nations car ils ne seroient pas en etat de nous poursuivre comme ils font et sy Dieu na pitié de nous, il faut tous perir. "

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